crédits photos Quique Dacosta©
Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de lui, pourtant
son restaurant Quique Dacosta El Poblet à Denia (Alicante) est 2 étoiles Michelin, noté 16/20 par le Gault
et Millau et numéro 61 dans la liste des meilleurs restaurants du monde. A 39 ans, il vient d‘être élu Meilleur Chef
International lors du XIII congrès Lo Mejor de la Gastronomia qui vient de se
tenir ce week-end à Alicante et qui rassemble 1500 chefs internationaux venus
débattre et échanger sous la direction du pape de la critique gastronomique
espagnole Rafael Garcia Santos.
Quique Dacosta (1972, déjà marié, laissez tomber Mesdemoiselles) n’a pas grandi
dans les arrières cuisines d’un restaurant et sa famille n’avait aucune culture
culinaire. A 15 ans il débarque de son Extrèmadoure natale à Alicante, sa mère
lui suggère de trouver du travail dans la restauration : le tourisme de
masse sur la Costa Blanca offre beaucoup d’opportunités. Il alterne études et
petits boulots, il découvre le monde de la restauration et s’y sent bien
« des gens qui viennent chez toi, prennent du plaisir avec ce que tu leur
prépares, paient et s’en vont . Je me suis senti à l’aise dans cet
univers ». A 17 ans, en 1989, il entre au restaurant El Poblet à Denia,
jolie petite station balnéaire, port de pêche et station de départ des navettes
pour Ibiza la Blanche juste en face. 22 ans plus tard, il y est encore. Après
Arzak et Adrià, il fait partie de la troisième génération de chefs espagnols
avec une quatrième lancée derrière (Dani Garcia, Rodriguo de la Calle) à
innover en permanence. « Aucun autre pays n’a eu simultanément quatre
générations de chefs au niveau aussi élevé qui coïncident au même moment et qui en plus
s’auto-alimentent (…) nous sommes les héritiers d’un bagage culturel
impressionnant : cela permet à la cuisine de se réinventer
constamment. »
Sa « mémoire gustative » n’est marquée par aucune
tradition : il peut s’approprier les grands classiques de la cuisine
locale et les réinterpréter sans la tentation de copier ses souvenirs.
Autodictat mais pugnace et curieux, il s’intéresse aussi à l’architecture et la
peinture. Il n’hésite pas à faire appel à des biologistes, chimistes et
techniciens pour ses recherches. Jusqu’en 2007 sa créativité part dans tous les
sens, pas toujours compréhensibles d’ailleurs pour sa clientèle mais son travail est toujours remarqué et
récompensé par les professionnels :
Gamba rouge de Dénia au charbon végétal dans sa veste translucide, 2003 Quique Dacosta© |
- en
1998, à partir de l’observation de la coagulation des protéines des crustacés,
grandes spécialités de Dénia, il propose les premiers « cristaux »
comestibles, qu’il renommera « voiles comestibles » en 2000,
-
en 1999 dans « la Nouvelle Mémoire Gustative » il s’engage à
rechercher de nouvelles harmonies et interprétations des produits locaux dans
le respect des goûts populaires, l’idée d’univers local germe :
locavorisme et respect de la culture terroir
- en
2000 il étudie puis propose à sa carte les premières graines germées et jeunes
pousses autres que le soja, unique référence à cette époque. Une télévision
japonaise lui commande une étude sur l’utilisation des pousses et graines
germées dans la cuisine asiatique.
- En
2001 il publie Au-delà des saveurs où il expose sa vision, son travail et sa
défense du registre culinaire traditionnel de la région de Valence
- En
2002 il présente ses premiers paysages comestibles, il est élu Meilleur Chef de
l’année au congrès Lo Mejor de la Gastronomia,
- En
2003 il s’intéresse à l’aloe vera et ses propriétés comme gélifiant,
stabilisateur et émulsifiant
Foie laqué à la stevia et à l'aloe vera Quique Dacosta© |
- En
2004 il perfectionne son idée de paysage et s’attaque à la minéralisation avec
emploi réel ou simplement évoqué de minéraux et publie le CD-Rom Las plantas en
estado embrionario résultat de ses travaux sur les germinées.
- En
2005 il publie Arroces contemporáneos (Les riz d’aujourd’hui), compilation de
son travail sur la cuisine du riz, devenue une véritable bible, il est réélu
Meilleur Chef de l’année LMG et reçoit également le Premio Nacional de
Gastronomia
- La
même année il présente ses premiers plats de cuisine tecnico-emocional avec
l’aromathérapie
- En
2006, il potasse longuement puis introduit la stevia dans ses recettes, bientôt
considérée par le mouvement Slow Food comme la panacée des ingrédients naturels
sains et bénéfiques pour la santé.
En 2008, il reconcentre sa cuisine sur les produits de son
environnement immédiat : le cap Montgò, et il finalise avec Montagud Editores le livre-web interactif Quique Dacosta 2000-2006, résultat d’un
projet global « d’outil pluriel » incluant livre, page web et
ateliers virtuels. Avec cette publication, il atteint le sommet de
l’avantguarde éditoriale gastronomique, il reçoit plusieurs prix internationaux pour cet ouvrage.
A El Poblet, c’est dans le menu dégustation Universo Local
que sont proposées ses créations. Les menus Naturaleza et Tecnica sont
saisonniers. Au fur et à mesure que les recettes sont adoubées ou boudées par
la clientèle, elles sont transférées dans son menu Nuevas Tradiciones. En plus
d’un laboratoire de la gastronomie d’avant-guarde, « celle que l’industrie
exploitera bientôt et qui se retrouvera chez la ménagère, dans les produits
précuisinés et mêmes les autres restaurants », El Poblet est devenu aussi
la Mecque de la cuisine du riz. Comme gastroentrepreneur, Quique Dacosta se
montre moins conquérant que ses confrères espagnols. En 2005 il
ouvre discrètement le gastrobistrot madrilène Sula avec deux associés
puis il ouvre trois bars à tapas haut de gamme : Mercatbar à Valence en 2010 puis Vuelve Carolina et en 2011 à l'aéroport d'Alicante il inaugue un bar à tapas . Il développe également son activité de
catering haut de gamme dans sa région. A la fin de cet été, le projet Sale el
Sol (Le Soleil sort), carte éphémère, rencontre un grand succès auprès du
public et de la critique.
Cap Montgo |
La crise économique n'est pas le seul frein à ses ambitions,
il sait jusqu’où il veut vraiment aller : il l’a annoncé en 2008, car
contrairement à Juan-Mari Arzak, de la première génération de la nouvelle
cuisine espagnole, qui annonçait vouloir mourir dans sa cuisine, lui, souhaite
réaliser d’autres projets et considère sa trajectoire gastronomique à date
limite de caducité. « Tout ceci est une espèce de marathon (…) si on ne te
dit pas combien de kilomètres tu dois courir, tu ne sais pas quand tu dois
accélérer, doser ton effort, freiner ou sprinter. » Il veut se retirer à
50 ans.
La situation du restaurant à mi-chemin entre la très VIP
Alicante et la capitale Valence, loin de structures hôtelières d’accueil haut
de gamme et la faiblesse de la carte des desserts le font buter aux pieds de la
troisième étoile Michelin et il reste hors de la liste des 50 premiers
meilleurs restaurants du monde, à 11 places près. Cette reconnaissance qu’il a
reçue avec beaucoup d’émotion mercredi soir « Ce Prix International de Lo Mejor de la Gastronomia je l'ai vu décerné à des chefs de la trempe de Michel Bras, Ferran Adrià, Robuchon, Guerard ou Ducasse devant un public de 1500 personnes avec un bagage professionnel incomensurable! Je le reçois aujourd'hui avec beaucoup de fierté même si je pense qu'il me manque au moins 10 ans pour savoir si je l'ai vraiment mérité! » comme il l’a écrit sur sa page facebook à l’annonce des
résultats du vote pourrait être le signe de son ticket d'entrée au club
restreint des 50 meilleurs chefs du monde comme ses confrères espagnols Adrià,
Roca, Aduriz ou Berasategui. Il lui reste 10 ans pour sa troisième étoile.
NB : Il sera ce week-end au Forum Avignon pour animer avec Pierre Hermé des Masterclass pour le lycée hôtelier.
LAST NEWS : Toutes mes féliciatations à BWak qui vient de gagner le Golden Blog Award pour son blog J'veux être bonne, allez y faire un tour par ici et vous verrez que c'est largement mérité. Bravo BWak, avec un B comme betterave ;-)
Là c'est chez moi!!! je ne suis jamais allée dans son restaurant mais cette baie je la connais par coeur...Et je l'aime...et là il y a des crustacés à tomber !!!! Pourquoi ??? chaque fois que nous mangeons de la gambas de Dénia, qui disparaît...paraît-il...., à prix démesuré, chaque fois nous nous demandons : mais pourquoi ???? pourquoi cette saveur extraordinaire ??? et ce chef a su exploiter les produits de sa région...une belle réputation, une Espagne qui grimpe...bonne en tout : mode, cuisine, architecture...Il va y arriver, à sa troisième étoile, j'en suis sûre...je communique cet article à tous nos amis et familles de cette baie...Merci de ce bel article...
RépondreSupprimer@Agnès : effectivement, la Costa Blanca est magnifique, aussi belle que MA Costa Brava ah ah ah je n'ai jamais goûté les gambas de Dénia mais je suis sûre qu'elles sont aussi bonnes que celle de Roses ;-)
RépondreSupprimerQuestion paysages, j'en conviens....la Costa Brava est magnifique... Puerto, Cadaquès, alternés par les plages de Roses etc...MAIS la Gamba de Dénia a un truc au monde que personne n'a, si si....regarde bien sa couleur elle est à peine forcée ici ....et la saveur est unique, réputée surtout des Madrilènes qui viennent en weekend à Dénia..La première fois que nous sommes venus à Dénia ces gambas étaient utilisées pour la ....pèche et maintenant elle est en voie de disparition...
RépondreSupprimerA bientôt...