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jeudi 17 novembre 2011

L'univers local de Quique Dacosta : la troisième génération de chefs espagnols est en marche


crédits photos Quique Dacosta©

Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de lui, pourtant son restaurant Quique Dacosta El Poblet à Denia  (Alicante) est 2 étoiles Michelin, noté 16/20 par le Gault et Millau et numéro 61 dans la liste des meilleurs restaurants du monde. A 39 ans, il vient d‘être élu Meilleur Chef International lors du XIII congrès Lo Mejor de la Gastronomia qui vient de se tenir ce week-end à Alicante et qui rassemble 1500 chefs internationaux venus débattre et échanger sous la direction du pape de la critique gastronomique espagnole Rafael Garcia Santos.

Quique Dacosta (1972, déjà marié, laissez tomber Mesdemoiselles) n’a pas grandi dans les arrières cuisines d’un restaurant et sa famille n’avait aucune culture culinaire. A 15 ans il débarque de son Extrèmadoure natale à Alicante, sa mère lui suggère de trouver du travail dans la restauration : le tourisme de masse sur la Costa Blanca offre beaucoup d’opportunités. Il alterne études et petits boulots, il découvre le monde de la restauration et s’y sent bien « des gens qui viennent chez toi, prennent du plaisir avec ce que tu leur prépares, paient et s’en vont . Je me suis senti à l’aise dans cet univers ». A 17 ans, en 1989, il entre au restaurant El Poblet à Denia, jolie petite station balnéaire, port de pêche et station de départ des navettes pour Ibiza la Blanche juste en face. 22 ans plus tard, il y est encore. Après Arzak et Adrià, il fait partie de la troisième génération de chefs espagnols avec une quatrième lancée derrière (Dani Garcia, Rodriguo de la Calle) à innover en permanence. « Aucun autre pays n’a eu simultanément quatre générations de chefs au niveau aussi élevé qui coïncident au même moment et qui en plus s’auto-alimentent (…) nous sommes les héritiers d’un bagage culturel impressionnant : cela permet à la cuisine de se réinventer constamment. »

Sa « mémoire gustative » n’est marquée par aucune tradition : il peut s’approprier les grands classiques de la cuisine locale et les réinterpréter sans la tentation de copier ses souvenirs. Autodictat mais pugnace et curieux, il s’intéresse aussi à l’architecture et la peinture. Il n’hésite pas à faire appel à des biologistes, chimistes et techniciens pour ses recherches. Jusqu’en 2007 sa créativité part dans tous les sens, pas toujours compréhensibles d’ailleurs pour  sa clientèle mais son travail est toujours remarqué et récompensé par les professionnels :

Gamba rouge de Dénia au charbon végétal
 dans sa veste translucide, 2003
Quique Dacosta©
-       en 1998, à partir de l’observation de la coagulation des protéines des crustacés, grandes spécialités de Dénia, il propose les premiers « cristaux » comestibles, qu’il renommera « voiles comestibles » en 2000,

 - en 1999 dans « la Nouvelle Mémoire Gustative » il s’engage à rechercher de nouvelles harmonies et interprétations des produits locaux dans le respect des goûts populaires, l’idée d’univers local germe : locavorisme et respect de la culture terroir

-       en 2000 il étudie puis propose à sa carte les premières graines germées et jeunes pousses autres que le soja, unique référence à cette époque. Une télévision japonaise lui commande une étude sur l’utilisation des pousses et graines germées dans la cuisine asiatique.

-       En 2001 il publie Au-delà des saveurs où il expose sa vision, son travail et sa défense du registre culinaire traditionnel de la région de Valence

-       En 2002 il présente ses premiers paysages comestibles, il est élu Meilleur Chef de l’année au congrès Lo Mejor de la Gastronomia,

-       En 2003 il s’intéresse à l’aloe vera et ses propriétés comme gélifiant, stabilisateur et émulsifiant
Foie laqué à la stevia et à l'aloe vera
Quique Dacosta©

-       En 2004 il perfectionne son idée de paysage et s’attaque à la minéralisation avec emploi réel ou simplement évoqué de minéraux et publie le CD-Rom Las plantas en estado embrionario résultat de ses travaux sur les germinées.

-       En 2005 il publie Arroces contemporáneos (Les riz d’aujourd’hui), compilation de son travail sur la cuisine du riz, devenue une véritable bible, il est réélu Meilleur Chef de l’année LMG et reçoit également le Premio Nacional de Gastronomia

-       La même année il présente ses premiers plats de cuisine tecnico-emocional avec l’aromathérapie

-       En 2006, il potasse longuement puis introduit la stevia dans ses recettes, bientôt considérée par le mouvement Slow Food comme la panacée des ingrédients naturels sains et bénéfiques pour la santé.

En 2008, il reconcentre sa cuisine sur les produits de son environnement immédiat : le cap Montgò, et il finalise avec Montagud Editores le livre-web interactif Quique Dacosta 2000-2006, résultat d’un projet global « d’outil pluriel » incluant livre, page web et ateliers virtuels. Avec cette publication, il atteint le sommet de l’avantguarde éditoriale gastronomique, il reçoit plusieurs prix internationaux pour cet ouvrage.

A El Poblet, c’est dans le menu dégustation Universo Local que sont proposées ses créations. Les menus Naturaleza et Tecnica sont saisonniers. Au fur et à mesure que les recettes sont adoubées ou boudées par la clientèle, elles sont transférées dans son menu Nuevas Tradiciones. En plus d’un laboratoire de la gastronomie d’avant-guarde, « celle que l’industrie exploitera bientôt et qui se retrouvera chez la ménagère, dans les produits précuisinés et mêmes les autres restaurants », El Poblet est devenu aussi la Mecque de la cuisine du riz. Comme gastroentrepreneur, Quique Dacosta se montre moins conquérant que ses confrères espagnols. En 2005 il ouvre discrètement le gastrobistrot madrilène Sula avec deux associés puis il ouvre trois bars à tapas haut de gamme : Mercatbar à Valence en 2010 puis Vuelve Carolina et en 2011 à l'aéroport d'Alicante il inaugue un bar à tapas . Il développe également son activité de catering haut de gamme dans sa région. A la fin de cet été, le projet Sale el Sol (Le Soleil sort), carte éphémère, rencontre un grand succès auprès du public et de la critique.

Cap Montgo
La crise économique n'est pas le seul frein à ses ambitions, il sait jusqu’où il veut vraiment aller : il l’a annoncé en 2008, car contrairement à Juan-Mari Arzak, de la première génération de la nouvelle cuisine espagnole, qui annonçait vouloir mourir dans sa cuisine, lui, souhaite réaliser d’autres projets et considère sa trajectoire gastronomique à date limite de caducité. « Tout ceci est une espèce de marathon (…) si on ne te dit pas combien de kilomètres tu dois courir, tu ne sais pas quand tu dois accélérer, doser ton effort, freiner ou sprinter. » Il veut se retirer à 50 ans.

La situation du restaurant à mi-chemin entre la très VIP Alicante et la capitale Valence, loin de structures hôtelières d’accueil haut de gamme et la faiblesse de la carte des desserts le font buter aux pieds de la troisième étoile Michelin et il reste hors de la liste des 50 premiers meilleurs restaurants du monde, à 11 places près. Cette reconnaissance qu’il a reçue avec beaucoup d’émotion mercredi soir « Ce Prix International de Lo Mejor de la Gastronomia je l'ai vu décerné à des chefs de la trempe de Michel Bras, Ferran Adrià, Robuchon, Guerard ou Ducasse devant un public de 1500 personnes avec un bagage professionnel incomensurable! Je le reçois aujourd'hui avec beaucoup de fierté même si je pense qu'il me manque au moins 10 ans pour savoir si je l'ai vraiment mérité! » comme il l’a écrit sur sa page facebook à l’annonce des résultats du vote pourrait être le signe de son ticket d'entrée au club restreint des 50 meilleurs chefs du monde comme ses confrères espagnols Adrià, Roca, Aduriz ou Berasategui. Il lui reste 10 ans pour sa troisième étoile.

NB : Il sera ce week-end au Forum Avignon pour animer avec Pierre Hermé des Masterclass pour le lycée hôtelier.

LAST NEWS : Toutes mes féliciatations à BWak qui vient de gagner le Golden Blog Award pour son blog J'veux être bonne, allez y faire un tour par ici et vous verrez que c'est largement mérité. Bravo BWak, avec un B comme betterave ;-)




3 commentaires:

  1. Là c'est chez moi!!! je ne suis jamais allée dans son restaurant mais cette baie je la connais par coeur...Et je l'aime...et là il y a des crustacés à tomber !!!! Pourquoi ??? chaque fois que nous mangeons de la gambas de Dénia, qui disparaît...paraît-il...., à prix démesuré, chaque fois nous nous demandons : mais pourquoi ???? pourquoi cette saveur extraordinaire ??? et ce chef a su exploiter les produits de sa région...une belle réputation, une Espagne qui grimpe...bonne en tout : mode, cuisine, architecture...Il va y arriver, à sa troisième étoile, j'en suis sûre...je communique cet article à tous nos amis et familles de cette baie...Merci de ce bel article...

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  2. @Agnès : effectivement, la Costa Blanca est magnifique, aussi belle que MA Costa Brava ah ah ah je n'ai jamais goûté les gambas de Dénia mais je suis sûre qu'elles sont aussi bonnes que celle de Roses ;-)

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  3. Question paysages, j'en conviens....la Costa Brava est magnifique... Puerto, Cadaquès, alternés par les plages de Roses etc...MAIS la Gamba de Dénia a un truc au monde que personne n'a, si si....regarde bien sa couleur elle est à peine forcée ici ....et la saveur est unique, réputée surtout des Madrilènes qui viennent en weekend à Dénia..La première fois que nous sommes venus à Dénia ces gambas étaient utilisées pour la ....pèche et maintenant elle est en voie de disparition...
    A bientôt...

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